« Où est-ce qu’on en est ? Nulle part… » : les élections européennes, casse-tête des Républicains

Éric Ciotti planche sur la composition du haut de la liste, des cadres du parti, et Emmanuelle Mignon sur le programme. Mais la droite, tiraillée entre ses stratégies, ne semble guère avancée.Par Quentin Laurent et Alexandre Sulzer

Le 2 décembre 2023 à 17h36

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Faute de plan B, Éric Ciotti (ici à droite, en septembre 2023) devrait désigner l’eurodéputé Francois Xavier Bellamy (à gauche) pour mener la campagne de la droite en vue du scrutin de juin 2024. Hans Lucas via AFP/Nicolas Guyonnet
Faute de plan B, Éric Ciotti (ici à droite, en septembre 2023) devrait désigner l’eurodéputé Francois Xavier Bellamy (à gauche) pour mener la campagne de la droite en vue du scrutin de juin 2024. Hans Lucas via AFP/Nicolas Guyonnet

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La dernière fois qu’ils se sont vus, c’était le lundi 6 novembre. Les Républicains, conscients qu’il existe un risque de disparaître du Parlement européen après les élections de juin prochain, ont mis en place un comité de réflexion composé d’huiles du parti et des eurodéputés sortants. Quelles idées, quelle ligne défendra la droite dans la bataille ? « Où est-ce qu’on en est ? Nulle part… commente un des participants. Des hamsters dans une cage. »

Pendant ce temps, Jordan Bardella et Marion Maréchal battent déjà campagne. « On a intérêt à attendre, à les laisser s’étriper entre eux, montrer que, nous, on bosse. On doit se distinguer sur notre crédibilité », fait valoir un proche d’Éric Ciotti. Lequel estime, comme presque tout le monde à LR, qu’il ne faut pas entrer trop tôt sur le ring. Mais qu’auront-ils à dire le jour J ? « Rien ne sert de faire 70 propositions, il faut se concentrer sur un message clair », confiait il y a quelque temps le chef de file des eurodéputés LR, François-Xavier Bellamy, qui veut montrer que sa famille « défend les intérêts français en Europe ». À droite, tout le monde se rappelle douloureusement l’incompréhensible slogan de 2019 : « Refonder l’Europe, rétablir la France ».

« Pour l’Europe mais autrement »

Aucune ligne politique claire ne semble, pour l’instant, se dessiner. Si les LR ont tranché en réunion qu’ils étaient bien « pour l’Europe », ils cherchent encore la position qui leur permettra de se différencier des « européistes » de Renaissance et des « eurosceptiques » du RN ou de Reconquête. « On a une difficulté structurelle sur l’Europe. On dit que l’on est pour l’Europe mais autrement. Il y a deux mots de trop dans ce slogan (mais autrement). C’est électoralement inaudible », estime un parlementaire LR, quand l’ancien député Julien Aubert, lui, estime qu’il faut « changer l’Europe » et y défendre « la souveraineté de la France ».

Parallèlement, Eric Ciotti a missionné Emmanuelle Mignon, l’ex-directrice du cabinet de Nicolas Sarkozy, nommée en octobre vice-présidente de LR, pour travailler sur l’élaboration d’un programme complet sur les européennes. Le Niçois a convaincu l’ancienne cheville ouvrière de revenir travailler au parti. Dans le même temps, il l’a sondée pour intégrer la liste des candidats. Certains disent en seconde position. « On lui a proposé, mais elle était réticente », glisse un ténor qui a échangé avec elle.

Car si LR met en avant son travail de fond, c’est aussi pour masquer le casse-tête du casting. Éric Ciotti semble, faute d’alternative crédible, s’être résigné à reconduire l’eurodéputé François-Xavier Bellamy comme figure de proue. Les deux hommes doivent se voir bientôt. Avantage : son travail et sa connaissance des dossiers sont unanimement salués en interne, et il aura à cœur de venger son score de 2019 (8,48 %). Inconvénient : son ADN conservateur sur les sujets sociétaux, fait pencher LR plus à droite.

Trop à droite, Bellamy ?

Ciotti cherche aussi depuis des semaines une personnalité qui viendrait équilibrer le haut de la liste, afin que celle-ci ressemble à un « missile à plusieurs têtes », disait-il à la rentrée. La directrice du think tank libéral Ifrap, Agnès Verdier-Molinié, avait été sondée (contactée, elle l’a cependant nié) ; Bruno Retailleau et François-Xavier Bellamy ont proposé le nom d’Annie Genevard, députée et numéro 3 du parti. En interne, le nom de l’élue parisienne et vice-présidente de LR, Nelly Garnier, pourrait à nouveau tenir la corde. Même si, de l’avis de beaucoup, seul compte le nom de la tête de liste.


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Dernier écueil, et non des moindres : si Bellamy demeure le plus armé pour tenir le premier rôle, sa désignation vient créer un hiatus avec la stratégie de moyen terme pour LR. « C’est l’incarnation qui donne la ligne politique », note un stratège. Et avec Bellamy en figure de proue, le message envoyé voisine davantage avec le RN et Reconquête, et s’oppose plus frontalement à Renaissance. Et ce alors qu’Éric Ciotti a théorisé l’importance d’aller récupérer les électeurs macronistes orphelins pour la présidentielle de 2027.