Playbook vous l’a déjà écrit, mais le groupe Renew pourrait bien perdre des plumes en juin prochain. Notamment en France : la liste Renaissance (forte d’une centaine d’eurodéputés aujourd’hui) est donnée à 19 % des voix dans le dernier sondage en date, quand le RN plane à 28 %. Séjourné cherche à rassurer : à ses collègues français, il a ressorti les sondages de décembre 2018, nous raconte-t-il. La liste macroniste était alors donnée autour de 16 %. Elle avait fini à 22,41 %.
En jeu, donc : la place de pivot de Renew au Parlement, ou, dans les mots de Stéphane Séjourné, de “king-maker”. Car en plus de sa place de troisième groupe par ordre d’importance, Renew court le risque de perdre quelques petits (mais précieux) alliés.
Un de perdu un demi de retrouvé. Là encore, le député européen (qui s’est lancé dans un tour des capitales européennes) se montre confiant. Il explique pouvoir compter sur le renfort de nouvelles forces dont les scores s’annoncent prometteurs, comme Polka 2050 en Pologne. “J’ai un réservoir”, certifie-t-il. Il se voit limiter la casse en conservant “90 ou 100” eurodéputés, “peut-être même plus”.
BOUQUET D’EUROPHILES. Non, ce qui l’effraie vraiment, c’est le risque que disparaisse une “majorité absolue pro-européenne” dans l’hémicycle. Car les deux groupes d’extrême droite (ECR et ID) devraient voir leurs rangs grossir. Devant votre infolettre, il s’alarme : “Sera-t-on dépendant d’une minorité de blocage de l’extrême droite ?”. Et met en garde : “S’il n’y a pas de majorité absolue, il y a un risque que l’Europe ne soit pas gouvernable”.
Keep on keeping on. Face à la progression annoncée de l’extrême droite en France, Séjourné a déjà décidé de jouer la carte du camp pro-européen qui tient les manettes de l’UE : Renew et lui au Parlement, Emmanuel Macron au Conseil européen, Ursula von der Leyen (soutenue par Paris) à la présidence de la Commission. En octobre, Séjourné a invité l’Allemande au campus de rentrée de Renaissance. Manière de signifier que, malgré certaines divergences, il assume de défendre un “bilan partagé” avec celle qui est pourtant membre du PPE (de la droite, donc, pour ceux qui suivent).
La main verte. Il pense notamment à leur bilan en matière de transition écologique avec le Green Deal. Renew, avec Von der Leyen, a pour lui “fait quelque chose” sur le plan de l’écologie. Une victoire à ses yeux d’autant qu’Emmanuel Macron est attaqué sur son bilan écolo en France. Même si, en réalité, Renew privilégie parfois les intérêts des industriels plutôt que ceux du climat, Séjourné se range du côté de ceux qui veulent continuer à faire avancer le Pacte vert. D’ailleurs, Playbook vous le glisse ici en passant : le Green Deal a subi un sérieux revers à Strasbourg hier — à la grande satisfaction du PPE.
En même temps. Le président du groupe Renew veut d’un côté défendre l’idée, encore vague, d’une “planification écologique européenne”. De l’autre, il se dit conscient du besoin de rassurer sur l’acceptabilité des mesures. Avec des moyens financiers pour le faire.
BRANLE-BAS DE COMBAT. Stéphane Séjourné aimerait ne pas se laisser entraîner dans une campagne purement franco-française. Alors que celui qu’il désigne d’emblée comme son principal adversaire — Jordan Bardella — assume de nationaliser le scrutin en appelant les électeurs à “sanctionner le gouvernement”, Séjourné veut au contraire l’“européaniser”. Il refuse, au risque de désintéresser ou de perdre les électeurs, de “tout simplifier” et “de faire comme Bardella : une phrase — un sujet, un verbe, un complément — ; et deux indignations”.
Tout vient à point. S’il avance ses pions aujourd’hui, Séjourné ne veut pas lancer trop tôt la bataille : la première campagne de tractage démarre ce week-end (300 000 tracts seront diffusés), mais le dévoilement de la tête de liste, de la liste elle-même et du programme n’interviendront qu’en début d’année prochaine.
Côté tractations, les représentants des partis de la majorité — Renaissance, Modem, Horizons — se sont retrouvés pour la première fois la semaine prochaine. Séjourné aimerait que se joigne à eux l’UDI du sénateur Hervé Marseille, avec qui il “espère obtenir un accord”. Rappelons qu’en 2019, Jean-Christophe Lagarde avait préféré partir seul en campagne.